Angèle Misériaux, une vie de résistante

Le circuit historique et interactif sur les Grands hommes du Pays de la Roche aux Fées a aussi mis à l’honneur une femme, Angèle Misériaux. Utilisant les techniques les plus récentes de communication, le visiteur muni de son smartphone peut se connecter au site et écouter le récit audio. Installé sur le mur extérieur de la bibliothèque, un panneau résume, grâce au « flash code » et à côté d’Auguste Pavie, la vie de résistante d’Angèle Misériaux née à Thourie et déportée à Ravensbrück.

En voici la reconstitution d’après des éléments fournis par sa fille Raymonde Rebours.

Ce jour-là, le 7 décembre 1943. C’est le soir et la nuit est tombée. Devant la cheminée, Angèle Misériaux est entourée de ses enfants Marcel, André et Denise qui restent encore à la maison. Emile a été mobilisé dans un camp de jeunesse. Noël a refusé de partir au STO et se cache. Raymonde qui n’a que 12 ans est toujours à l’école privée des filles à Thourie. Pensionnaire depuis ses 6 ans, elle ne pourra rentrer à la ferme qu’à Noël. Angèle Misériaux qui aime bien chanter, fredonne à ses enfants une complainte « Les mines de Courrières »  (la catastrophe des mines de Courrières près de Lens est la plus importante d’Europe. Elle a fait 1099 morts le 10 mars 1906).
Soudain on entend dans la cour crisser les pneus d’un camion. Les portières claquent. C’est la Gestapo. « On veut voir le chef de famille ! ». « Tout de suite ma mère a deviné le danger » racontera plus tard son fils Marcel, 18 ans à l’époque et qui s’interpose pour prendre la place de sa mère. Mais pas question. L’ordre est donné à Angèle de prendre un vêtement chaud. « Depuis cette heure, nous ne l’avons jamais revue » Elle est embarquée vers la prison des femmes à Rennes. « Ma sœur qui faisait la lessive du linge de ma mère que la prison envoyait, a retrouvé des petits mots cousus dans les doublures de vêtements. On peut encore avoir de ses nouvelles où elle s’inquiète des travaux de la ferme. « Avez-vous fait ceci et cela ? ».

Plus tard en mai 1944, le long de la voie ferrée qui la conduit de Romainville vers l’Allemagne, un cheminot a trouvé un petit mot griffonné sur un papier où figure le nom d’Angèle Misériaux : « Je pars pour une direction inconnue ». Elle recommande de prendre bien soin de la petite Raymonde. Pour sa fille de 12 ans qui n’a pas vu partir sa mère et qui ne sait pas qu’elle ne reviendra jamais, plus question de retourner en pension à Thourie, l’année du certificat d’études.
Ni père ni mère sur 31 hectares de terres. « La ferme a besoin de bras ». Marcel, Denise, aidés d’André prennent la tête de l’exploitation. Des tuteurs sont nommés : Alfred Racineux et Julien Misériaux.
« Jusqu’en 1946/47, on a toujours espéré que notre mère rentrerait. C’est une lettre qui nous a informés qu’elle ne reviendrait plus », explique Raymonde qui, 68 ans après cette brutale disparition, n’oublie pas : « Très souvent, plusieurs fois par semaine, je pense à elle, à ce qu’elle a subi à Ravensbrück : la faim, le froid, l’épuisement, la souffrance, les humiliations. Partie en pension à 6 ans, je n’ai pas beaucoup parlé avec elle. Je sais qu’elle était une femme qui avait bon cœur et était généreuse. Mais on n’a jamais vu ma mère comme une héroïne. Elle rendait simplement service. Elle voulait sauver des vies ».

Une petite fille d’Angèle Misériaux qui n’a jamais connu sa grand-mère a écrit ces mots : « Jamais je n’ai pu sentir ton parfum, jamais je n’ai pu tenir ta main car tu es partie trop tôt »…

 

De la Métairie Neuve … à Ravensbrück

Angèle Racineux est née à la Métairie-Neuve en Thourie, le 1er novembre 1891 dans une famille qui comptera 11 enfants. Quand ses parents meurent, Angèle a 23 ans et doit avec ses frères et sœurs assumer les charges du foyer et des enfants mineurs. Elle se marie en 1919 à Emile Misériaux demeurant à la Guyaudière.

Le couple s’installe à la Hertière, village de Forges-la-Forêt où naissent successivement les sept enfants : Emile, Marguerite (décédée à 15 jours), Noël, Marcel, les jumeaux André et Denise et Raymonde. Ils y demeurent jusqu’en 1934. Puis la famille s’installe dans une ferme de 31 hectares à la Haie-Veillette en Martigné-Ferchaud. Trois ans plus tard, Emile Misériaux meurt des suites d’une grave erreur de diagnostic.

Réseau Buckmaster

Colonel de l’Intelligence service britannique, Buckmaster a formé un réseau de résistance composé de Français opérant en France. Son objectif est de constituer des groupes de résistance le long d’une ligne Saint-Malo, Rennes, Châteaubriant, Saint-Nazaire (ancien tracé des Marches de Bretagne) pour pouvoir contenir les Allemands en Bretagne.
Le renseignement, la recherche de terrains pour le parachutage et éventuellement l’atterrissage constituent une partie de leurs missions. Le réseau s’implante en 1943 sur l’ensemble du département de l’Ille et Vilaine. Angèle Misériaux accepte en juillet de la même année d’être incorporée au réseau. A la ferme de la Haie Veillette, plusieurs résistants trouveront un hébergement et une cache. Il y a aussi des évadés, des étudiants rennais réfractaires au STO, des aviateurs anglais et américains.
Arrêtée par la Gestapo le 7 décembre 1943, conduite à la prison des femmes à Rennes puis à Romainville, Angèle Misériaux quitte Paris le 13 mai 1944 dans un wagon à bestiaux. Direction l’Allemagne. Elle arrive au camp de déportation de Ravensbrück 5 jours plus tard, le 18 mai. Elle découvre ce camp où il n’y a que des femmes.

Ravensbrück

Commence alors un long calvaire qui la conduira à la chambre à gaz le 27 janvier 1945. Ce n’est qu’en 1947 qu’Angèle est officiellement déclarée « disparue » sur le registre d’Etat civil. Des témoignages d’anciennes déportées qui ont survécu attestent qu’elle a été gazée.