Auguste Pavie, l’explorateur aux pieds nus

Auguste Pavie naît le 31 mai 1847 à Dinan. De son grand-père, soldat de l’armée de Napoléon, il hérite le goût des exploits, et s’engage à 17 ans dans l’armée. Il intègre l’infanterie de marine en 1867 et embarque pour la lointaine Indochine. Enthousiasmé par ce pays encore vierge, il quitte la carrière militaire pour le service des Postes et Télégraphes. Après un bref séjour en France, dans l’espoir de participer à la guerre de 1870, il revient avec la détermination de découvrir les régions inexplorées du Cambodge. Nommé à Kampot, poste isolé, il profite de cette immersion locale pour changer ses habitudes d’occidental et devenir un observateur passionné de la civilisation khmère. Nommé à Phnom-Penh, on lui confie la réalisation de la ligne télégraphique vers Bangkok. Pavie met à profit ce chantier de 2 ans pour compléter ses multiples capacités par des qualités de diplomate avec les autorités du Siam.

 

Son rêve : l’exploration du Haut-Laos

De retour à Paris en 1887, il emmène avec lui treize jeunes Cambodgiens, et fonde l’Ecole Cambodgienne, qui deviendra l’Ecole Coloniale avec pour objectif de former des cadres indigènes en mesure d’administrer leur propre pays. Remarqué pour ses talents de diplomate, il est nommé vice-consul et directeur de la commission d’arbitrage des frontières du Laos, sujet de conflits avec le Siam et l’Angleterre. C’est l’occasion de réaliser son nouveau rêve : l’exploration du Haut-Laos, objet de la Mission Pavie de 1887 à 1895.
Fervent promoteur d’une colonisation pacifique, respectueuse des peuples et des cultures, c’est avec une redoutable intelligence stratégique qu’il parvient à désarmer les prétentions siamoises et pacifier le Laos, dont le roi Ounkam fait don à la France, le plaçant sous son protectorat en 1893.

Elevé au rang de ministre plénipotentiaire, Auguste Pavie rentre définitivement en France en 1895. Il peut se consacrer pleinement à la rédaction avec ses collaborateurs des 7 tomes de la « Mission Pavie », recueils de tout son travail d’exploration, autant géographique, ethnographique, scientifique que culturelle. Il publie la première carte complète de l’Indochine. Il épouse Hélène Gicquelais, une dinanaise, en 1897, et partage son temps entre Paris, Dinan et la propriété de La Raimbaudière, à Thourie. Il publie en 1921 « A la conquête des coeurs », recueil de ses carnets de voyage au Laos.
Elu conseiller municipal, devenu maire de Thourie en 1924, il s’éteint l’année suivante, le 7 juin à l’âge de 78 ans, au manoir de la Raimbaudière. Il laisse un héritage impressionnant à la France. Plus de 36 000 kilomètres d’itinéraires explorés, plusieurs dizaines de communautés ethniques rencontrées, des manuscrits et objets de l’antiquité cambodgienne et laotienne, des centaines de spécimens d’insectes, animaux et plantes, des contes et légendes traditionnels khmers. Sur le plan politique, il est le fondateur du Laos contemporain, à qui il apporte la paix, mais il est surtout le défenseur d’une approche coloniale privilégiant les peuples et les cultures. De part cette « innocence coloniale », il s’inscrit singulièrement dans l’histoire de l’Indochine. Il sera surnommé par les historiens « l’explorateur aux pieds nus ».